Ma pomme vue par Rosa...
Ma pomme vue par Rosa...

Ce que je pense...rubrique en vrac...

C'est pas la peine d'avoir un blog si on ne peut pas déblatérer un peu, se défouler, une sorte d'Art Journal écrit comme Oizy les aime, un défouloir nécessaire pour pouvoir rester en bonne santé mentale.Là dedans je vais mettre tout ce qui me passe par la tête, mais que je ne peux garder sous peine d'imploser...J'aimerai que les gens qui lisent ces trucs laissent une trace de leur passage, un avis, une mention quelconque , un gribouillage, qui dit que je ne suis pas seul à débloquer!

Par exemple, ma vitrine, il faut que j'avoue que c'était une porte vitrée sans vitres peinte en vert avec encore des gravats accrochés aux ferrures, trouvée dans une décharge du Midi. Je l'ai gratté et poncée, coulé de la parafine aux endroits vermoulus, regrattée encore puis cirée et frottée avec amour. Les quatre vitres sont des carreaux anciens avec des bulles incluses, le dessus est une vieille table récupérée et poncée...les côté sont des vieux volets en pin également récupérés dans une autre décharge, et le fond d'Aulne est un fond d'armoire lui aussi trouvé dans une autre décharge!

Dans les années 80 je parcourais plus de 80 décharges dans la zone de l'Hérault où j'habitais avec ma femme et mes filles et les chiennes....avec ma vieille R12 Break, et le vendredi je revendais aux Puces de Béziers ce que j'avais trouvé... le Jeudi à Narbonnes...le Samedi aux Arceaux à Montpellier! Une époque bénie, une des dernières époque où on trouvait des cafetières et des théières intactes dans les décharges...j'y ai trouvé presque tous mes meubles ensuite restaurés avec des planches de pin recyclées...

21 novembre 2011...j'ai voulu changer un titre et çà a tout annulé...je continue mes mémoires sur un autre support...désolé pour ceux ou celles qui étaient en train de lire. Je ne me sens pas le coeur de recommencer!

j'ai réussi a en retrouver une partie, mais il en manque! et pourquoi ce décalage devant le texte?

 

j

Quand on veut me parler: 0344245529...c'est simple!

Des tas de gens paraît-il me trouvent agressif et violent avec eux? Ils se plaignent aux modératrices

du forum d'Art Postal où je suis inscrit... je me demande qui çà peut être? je n'ai pas souvenance d'avoir agressé qui que ce soit...en tous cas si quelqu'un veut me passer un savon de son cru le N° de tél. est valable et à toute heure de 6h00 à 23h00!!

Moi, agressif? parceque je trouve con d'être inscrit sur un forum et de ne pas participer aux jeux et aux discussions? Alons donc, ne vous inscrivez pas dans ce cas là... restez pénards chez vous sans rien branler, mais ne venez pas vous inscrire sur un forum qui par sa définition est un lieu de discussion et de rencontres!!

Vous êtes choqué par mes mots? fermez ce site et n'y revenez plus! je vous emmerde!

Mémoires d'un Tailleur de Pierre...

 

 

 

           Ici je compte écrire au fil du temps les anecdotes qui ont émaillées ma vie depuis le début dont je me souvienne...cela n'a d'importance que pour moi...mais il est possible qu'une ou un petit curieux vienne lire ces lignes, j'en connais! Qu'il ou elle sache que je ne suis qu'un pion solitaire et inoffensif sur l'échiquier du temps parmi les millards de milliards d'individus humains vivants dans cet Univers et dans les autres...

            Donc je naquis le 23 mai 1944 à Millau dans l'Aveyron, dans la clinique de la Capelle. Mes géniteurs habitaient à ce moment là au 13 avenue de la République.

              C'est important de le signaler, parceque dès le fin de la guerre quelques mois plus tard, mon père créa, un magasin à Séverac-le-Château quelques trente kilomètres plus haut dans les montagnes. Il faut signaler aussi que pendant la guerre mon père employé comme premier vendeur et étalagiste aux Etablissements Thierry et Sigrands de Millau, travaillait pour la résistance Française à cause du fait des langues qu'il parlait très bien: L'allemand avec l'accent de Berlin, où il  avait fait des étalages dans des magasins de tissus, avant de migrer en France. Avec ma mère ils habitaient alors à Bruxelles, et lui il se déplaçait pour la Maison "Immense" qui fabriquait des mannequins de cire pour les magasins. Il avait ainsi travaillé à Berlin, à Helsinky, à Oslo, à Stockholm à Londres, à Glasgow et bien sûr à Bruxelles et Amsterdam sans oublier Luxembourg, et passant régulièrement dans ces Capitales pour y travailler, il parlait couramment les langues de ces pays. Avec l'exode vers la France, car il avait travaillé à Reims, puis à Montargis où il avait connu ma mère, il avait atterri à Toulouse où ils restèrent 17 ans, comme à Bruxelles. Toujours dans le métier de vendeur et d'étalagiste dans les vêtements et les tissus. Mais mon père, un Scorpion-Lion, très suceptible ne restait jamis longtemps au même endroit, quand j'y pense, 17 ans à Bruxelles et ensuite 17 ans à Toulouse...et 17 est mon chiffre porte bonheur, que j'ai toujours retrouvé partout toute ma vie...bizzare, non?

        Bref, quand il est arrivé à Millau, à cause de l'arrivé des Allemands en France, pour mettre la famille en sûreté, car à Toulouse mes soeurs étaient nées Josette d'abord puis Monique...il a tout de suite trouvé du travail car il avait un lien d'amitié avec les juifs de l'époque et le directeur des Etablissements Thierry et Sigrand, était juif. Mon père l'avait connu_ à Berlin en 1927...Ils étaient vraiment amis et quand les Allemands sont arrivés à Millau, mon père a aménagé le grenier au-dessus de l'appartement où ils habitaient, et pendant toute la guerre les Gilbert's Homme, femmes et enfants, ont vécus cachés là en parfaite sûreté, car pour la Résistance, mon père, sous directeur de l'Etablissement, faisait partie des Notables de Millau et collaborait en agissant comme interprête pour les Allemands. En plus de cela il sillonnait les routes en vélo pour aller dans les fermes alentour chercher des provisons échangées contre des vêtements de travail avec les paysans et aussi des messages de la Résistance. Il avait ses entrées à la Kommandatur et un contact avec un noble officier supérieur qui était un ami de Berlin, d'une époque révolue. ce n'était pas un Nazi, un simple hobereau de province, mais comte et très instruit. Grâce à lui et à l'action de mon père beaucoup de gens ont eus la vie sauve, comme les frères Mitoska, des jeunes polonais qui devaient être fusillés, et qui ont été libérés au cours d'un transfert...mais mon père ne racontait pas tous les jours toutes les aventures de la guerre. Le coup des Polonais, c'était parce qu'ils sont venus habiter sur notre palier après la guerre.

           Puis je suis arrivé, dans cet appartement où on vivait à cinq avec cinq autres personnes au-dessus, dont je n'ai rien su avant mes huit ans, où j'ai découvert par hasard l'appartement clandestin en fouinant dans le grenier. Mon père a créé son magasin de mercerie-bonneterie à Séverac, où j'ai habité avec mes parents et mes soeurs, mais il avait gardé l'appartement de Millau, car M.Vincent, l'avoué propriétaire était aussi un ami de la résistance, un des chefs même...malheureusement Papa ne parlait jamais de cette époque trouble où il avait vécu deux vies en une seule et perdu plus de trente kilos...il nous arrivait d'aller à Millau quand le magasin fermait pour certaines fêtes...puis vers l'âge de neuf ans j'ai été vivre à Millau avec Maman et Josette et Monique parce que Papa est resté seul à Séverac... ils s'étaient disputés, mais je ne l'ai su que bien plus tard...je vivais en égoïste, sans m'occuper des adultes et ma soeur aînée s'occupait de moi et de Monique pendant que les parents menaient leurs affaires. C'est une période où je lisais beaucoup et notamment toute la bibliothèque familiale, qui était assez conséquente. Les Encyclopédies Quillet de 1933 en dix volumes étaient mes livres de chevet... de neuf à quatorze ans...Entre temps mon père avait fermé le magasin de Séverac et vendu la marchandise, en partie à mon oncle Nicolas qui habitait à Carmaux, le mari de la soeur de ma mère, une brute avinée sans foi ni loi qui battait sa femme, mais heureusement elle se défendait bien à la fin car elle faisait tout les travaux pénibles et cela l'avait renforcée. Elle fumait beaucoup des gauloises sans filtre...Puis Mon Père avait pris en gérance un magasin de M.Gilbert, le Juif qu'il avait hébergé pendant la guerre.

           "LE CHIC PARIS", tout au bout de la rue Droite bien aprés la place du Beffroi...mais malgré toute sa bonne volonté mon Père n'était pas fait pour le commerce, trop suceptible et trop honnête. Je me rappelle qu'un jour le percepteur qui était client, lui avait qu'il ne fallait déclarer la totalité des recettes,parcequ'il était imposé par l'administration, comme s'il trichait. Mais on ne se change pas comme çà!Il a dû déposer le bilan et apporter l'argent à Paris à la maison mère, soit un million et demi à l'époque, dans les années soixante, c'était une somme! M. Gilbert était étonné de lui  voir sortir une somme pareille et la lui donner. Ildit à Mon Père: "Monsieur Belderbos! Pourquoi n'êtes vous pas parti avec cet argent, pour refaire votre vie ailleurs!"Mais mon père ne pouvait pas devenir bandit du jour au lendemain!

           Avec sa part il décida de changer d'air et nous fîmes tourner le pendule au dessus de l'atlas routier pour voir où on irait habiter. Mon Père avait mis son alliance en or au bout d'un des plus longs cheveux de ma mère. Le pendule orbitait largement au dessus de Béziers. Mais mon père appréhendait cette ville, malgré que Josette y vivait avec son mari et Patrick son gamin encore bébé. Pourtant le sort lui réservait encore des avanies bien pires que ce qu'il pouvait imaginer. Finalement l'examen du Midi Libre lui permit de trouver un commerce libre à Sommières, dans le Gard.A cent kilomètres de Béziers!Et nous voilà partis! Tout nouveau tout beau, malgré des signes qui auraient dûs l'inquiéter. A commencer parr la rue étroite en impasse jouxtant le magasin qui s'appelait :"Rue Paradis", juste au dessus un trait dans le crépi et une date: "octobre 1925, niveau de l'eau".

            Si il avait vu çà avant de payer et d'aller chez le notaire! Mais il avait déjà imaginé un commerce pour la maman et le bébé, genre Prénatal alors en pleine vogue. Le magasin avait été une épicerie pendant des années, et fermait pour cause de retraite. Il y avait deux pièces avec un décaissé à gauche en entrant. Le Père voyait déjà tout çà neuf et refait repeint et il lança les travaux avec l'argent qu'il lui restait. Toute la maison était à nous jusqu'au premier inclu et derrière, mais les pièces étaient chichement éclairées par l'impasse du Paradis. Tout au fond il y avait une grange et une écurie et le paysan entrait dans la ruelle sans ralentir avec sa charette en bois aux roues ferrées dont la trace sur les pavés et sur les murs était significative, les chasse roues servaient parfaitement vu les traces de roue sur leur bases. Il ne falait pas se trouver là à ce moment car il ne s'arrêtait pas, prenant de l'élan pour monter jusqu'au bout. De l'autre côté de la ruelle sous les arcades était une boulangerie et la salle où le pain était pétri et cuit s'ouvrait devant notre remise. Le soir le booulanger prenait le frais avant d'attaquer la pâte à bras le corps. C'était un petit bonhomme trapu et costaud, un catalan de Perpignan, venu dans "ce trou" pour suivre sa femme originaire de Sommières. Mais il était plutôt sympathique. Un autre catalan plus rustre habitait au dessus de chez nous, le cordonnier, M. Matillo, quio avait son échoppe plus loin à droite dans la rue Jean Jaurès. C'était un excellent ouvrier, et il avait une bonne clientèle. De l'autre côté du magasin c'était une quincaillerie, mais la grosse blonde qui la tenait a été tout de suite antipathique, avec son mauvais sourire en coin qui en disait long sur ce qu'elle pensait de nous.

          Moi j'avais quinze ans, et une seule chose m'importait, à ce moment là, les filles! Toutes aussi jolies l'une que l'autre, mais je n'aimais pas les peaux bronzées. Ma préférence allait aux rousses à la peau blanche, et une yougouslave, Monique Kriss retenait toute mon attention. Mais j'étais trop timide pour l'aborder.Puis l'école commença. J'étais dans la classe du certificat d'études que je recommençait pour la troisième fois, a cause des changements imposés par mon père qui n'était jamais content des écoles où j'étais à Millau.

           J'avais d'abord été inscrit à l'école du sacré coeur, parceque mon père pensait que les jésuites étaient tout trouvés pour me donner une bonne instruction religieuse et politique. mais il n'allait pas tarder à déchanter. le monde où on vivait n'était pas parfait ou du moins pas commemon Père l'imaginait.D'abord avant de faire quoi que ce soit il fallait aller à la chapelle et prier, le matin à huit heures moins le quart, à onze heures et demie en quittant les cours, puis à une heure et demie avant de reprendre la classe et à quatre heures de l'après midi, puis ensuite encore une prière à dix heures avant de partir à la maison. Catéchisme cinq fois par semaine avec des devoirs écrits et des interrogations surprises. Frère Joseph était le bonhomme refoulé Directeur de l'établissement et Frère Denis le Frère Refoulé adjoint, sans parler des civils diacres paranoïaques, commeM. Arnal qui se servait de la classe pour nettoyer sa vigne, ramasser les sarments et piocher la base souches. Celui qui touchait le sep avec sa pioche devait se mettre à genous sur le manche de l'outil et tendre la main les doigts réunis pour y recevoir des coups de règles rageurs du sadique employeur! J'en ai eu vite marre de cette école et mes cinq dernères semaines se sont passées en école buissonnière. Comme on se rendait à la vigne d'Arnal a pied, je suivait le même chemin tous les jours mais je dépassais la vigne avec délectation, donnant des coups de pieds vengeurs sur les souches au passage et montait sur la montagne jusqu'au rocher troué, au dessus duquel quelques décades plus tard serait construit le viadux de Millau...

            Là je m'asseyais et contemplait la vallée enfumée et le cours du Tarn qui rejoignait la Dourbie au Pont de Cureplat, et j'admirais les buses qui tournoyaient dans le ciel en criant leur indignation de me voir si près de leurs nids. Eux ils étaient libres et pouvait monter haut dans le ciel, s'affranchir de ce monde dégoûtant où j'étais obligé de galérer et de mentir pour survivre. J'échaffaudais les pires des mensonges, à raconter à la maison. Pour m'éviter de rentrer à midi, ma mère me donnait un casse croûte que je mangeais le cul dans l'herbe avec un immense plaisir. J'avais remarqué que les ganteries cessaient le travail à Cinq heures. Ce qui me donnait le signal pour rentrer à la maison.A plus de cinq kilomètres, avec le cartable sur le dos en faisant attention de ne pas se faire contrôler par des Gendarmes heureusement largement reconnaissables grâce leurs véhicules. J'avais toujours le temps de plonger dans le fossé et de m'y  aplatir le nez dans les toiles d'araîgnées. Brrr!

      Finalement personne ne s'était rendu compte de mon absence à l'école! C'est seulement mon père qui me cherchait, et ne m'ayant pas trouvé en classe, a découvert mon école "buissonnière" qui durait depuis plus de trois semaines...et aurait pu durer encore dans l'indifférence totale  des curés...mon père était furieux contre eux et essaya très diplomatiquement de savoir pourquoi j'avais fait çà.

      Je lui ai avoué que la pression catholique était trop forte, avec la cadence des prières obligatoires, et aussi la confession par les "pères missionnaires" qui me forçaient à m'agenouiller entre leurs jambes et me touchaient la braguette...çà l'a fait bondir, lui qui était d'une pruderie maladive...

      Le lendemain j'étais inscrit à l'école Jules Ferry Laïque et normale.... et là en quelques mois j'ai fait plus de progrès qu'en deux ans d'école Libre!

       Et on a déménagé pour aller habiter à Sommières.

       Le 3 octobre 1958 il a plu sans arrêt dans la région. Le 4 octobre 1958, date de l'ouverture du Magasin de mon père, l'inondation est arrivée...avant même d'avoir pu vendre une culotte l'eau avait envahi la boutique. les coups de sirène se succédaient, et on voyait l'eau boueuse monter par les égouts et couvrir la grande place aux arcades. Puis elle s'est mise à ruisseler dans la rue principale directement le long dutrottoir du magasin. Mon Père et ma mère, ma soeur et moi , montions la marchandise en courant au premier étage, avec la peur au ventre. On pataugeaient dans vingt centimètres d'eau, puis cinquante, puis l'eau nous suivait presqu'à vue d'oeil elle montait les marches et nous sommes allés au premier sur le balcon au dessus de la boutique. la rue principale était devenue un torrent furieux qui charriait des débris de toutes sorte. Des animaux morts, des barriques, des fagotsde pieux, des caisses éventrées des fruits avec ce bruit de courant et  de cataracte.Le ciel gris ajoutait sa note lugubre à la scène, et soudain les deux grandes vitrines ont cédé à la fois sous la pression de l'eau et sous le choc d'un énorme fût de vin à moitié plein. la vibration nous a fait croire que l'immeuble allait s'écrouler, nous étions tous étreint par l'angoisse et l'eau continuait à monter, alors on a commencé àdémonter les meubles pour les stocker au deuxième étage devant la porte de M. Matillo, et plus haut vers le grenier. Ma mère et ma soeur pleuraient et moi jen'en menais pas large. Mon père était vraiment démoralisé et au bout du rouleau, mais il faisait bonne figure. C'est seulement le lendemain, après la décrue, qu'il a craqué. Je me rappelle la pièce de dix centimes qu'il a sorti de sa poche en disant: " C'est tout ce qu'il nous reste!"...C'était extrêmement pénible de le voir pleurer...

    Après, il ne restait plus qu'à nettoyer, racler la vase, et laver à gros seaux, dans une ambiance de cauchemar et cette odeur d'eaux sales, de limon, de murs humides et gluants...quand on s'est couché on était lessivés, sans forces et le moral au plus bas...

    L'Armée est arrivée avec des soldats armés de pelles et de raclettes, et avec des camions pleins de bouteilles d'eau, car celle du robinet était imbuvable et trouble. Ils apportaient aussi du pain en couronne et du laitconcentré, des légumes. Des queues derrière les camions s'organisaient. Un incident s'était produit, qui mérite d'être signalé. Au plus haut de l'étiage de la crue, le pont menaçait d'être submergé et le Maire accompagé du curé et d'un conseiller municipal regardaient les eaux tumultueuses foncer vers eux et soudain un arbre énorme déraciné vint heurter le vieux pont romain de plein fouet faisant chuter les gens dans l'eau boueuse qui couvrait la route. Le Maire et le curé unis dans la boue, une photo aurait eu beaucoup de succès. mais les gens ne pensaient pas à faire des photos. Un hélicoptère de la Presse vint filmer l'innondation qui s'étendait sur un front de quatre kilomètres. Le débit avait été calculé. Il passait vingt mètres cubes au mètre à la seconde! Mais d'où pouvait bien sortir une telle masse d'eaux? Le vieux pont construit par Tibère en avait vu de toutes les couleurs au cours des siècles, et il en verrait encore...une rumeur courrait que tous les vingt cinq ans, ce type de crue se répétait! Il avait fallu que çà tombe le jour de l'ouverture du magasin de mon père!

     Parmi les garçons qui étaient devenusdes copains d'école, il y avait entre autre le fils du pharmacien, Jack, un garçon grand et fort plutôt beau mais un peu naïf, gentil comme tout. Touyt de suite il influença ses parents pour qu'ils louent leur maison de Campagne à mes parents, et ce geste m'a beaucoup touché. La compassion de Jack nous a tous sauvés de la dépression. Pour mes parents il fallait tourner la page de Sommières. Il y eut encore pas mal de démarches à faire pour obtenir quelques remboursements d'assurance, mais les professionnels se font toujours attendre dans ces cas là!Et même maintenant, je pense que tout n'est pas réglé. Mais le fait de ne plus habiter dans ces murs humides et cet immeuble sombre et triste, a contribué au moral des parents. Mon père a courageusement, à soixante cinq ans , repris la route comme VRP pour les gendarmeries de cinq a six départements, pour la maison Starlux. En tant que Tailleur Militaire il prenait les mesures des gendarmes pour leur refaire un uniforme ou bien les approvisionner en accessoires. Il partait le lundi matin et rentrait le vendredi soir, exténué, par la conduite de la voiture fournie par son patron, une 4CV Renault, neuve. Ma mère et moi l'appelions "la grenouille", quand elle rentrait le soir, à cause de sa couleur vert d'eau. C'est à cette épôque que j'ai appris à conduire, avec mon père qui me faisait rentrer la voiture au garage.J'avais quinze ans.

    La maison de campagne de Jack et ses parents était située dans un petit village à sept kilomètres de Sommières, qui portait le nom de Campagne, justement! Pour aller à l'école il me fallait un vélo, mais je passais quelques  temps à travailler la vigne pour les paysans du coin et rapidement je pus me payer ma mobylette Peugeot. Avec ma mère nous ramassions les sarments, c'était payé deux centimes le pied, donc pour une vigne de deux mille pieds cela faisait quatre mille centimes soit quarante francs anciens. C'était l'époque des francs nouveaux et des francs anciens. Ce n'était pas la fortune, mais en pratiquant le déchaussage des ceps avec une houe dentée prêtée par le régisseur du père de Jack, je gagnait aussi deux centimes le pieds, mais je travaillais dur. La mobylette avait coûté six cent francs nouveaux, et représentait plusieurs mois de tavail. Entre temps j'allais à l'écoleen vélo, et dès que je rentrais le soir, je faisais les devoirs en mangeant un morceau de pain et en me rendant à la vigne. Ensuite il y a eu les vendanges où j'ai souffert comme coupeur. A cause de ma grande taille la coupe du rasin m'était pénible. Mais nous avions tant besoin d'argent que j'ai continué. Monique, ma soeur s'était jointe à nous, et tandis que mon père sillonnait les routes de France pour ravitailler les gendarmeries, Ma mère, Ma soeur et moi faisions les vendanges. Nous avions droit à trois litres de vin par jour mais nous avons revendu les neuf litres quotidiens pour augmenter le pécule.

     La première année d'école à Sommières a été marqué par quelque gloire que j'ai obtenu, pour avoir été le premier élève de la classe d'un bout à l'autre de l'année scolaire. Je n'avais aucun mal, étant donné que j'avais recommencé déjà trois fois le même programme, en changeant d'école. Mais il faut avouer que le niveau des élèves de Sommières était assez bas, à ce moment là. Toujours est il que j'ai eu cette année là le Prix d'Excellence du Meilleur élève de l'Ecole, et j'en fus fier. Je rrecus un livre sur l'espagne "Guadalquivir" qui m'apporta beaucoup de renseignements sur le pays natal de ma mère. L'année suivant j'entrais en  Cinquième et là ce fut nettement moins brillant. Néanmoins je passais avec succès les épreuves du BEPC, et deux mois plus tard, je m'engageait volontairement dans l'Armée de L'Air. A cette époque, le temps légal d'obligations militaires était de trois ans à cause dela Guerre d'Algérie, qui se terminait en 1962. Six mois aprés la signature de mon contrat d'engagement, le temps légal passait à dix huit mois!

      Je passais mes pelotons, puis entrait à l'école des Ravitailleurs à Saint Cyr L'Ecole, en Yvelines, aprés plusieurs stages à Nîmes, et à Saint Astier. Deux ans après mon engagement, j'étais Sergent avec une solde de sept cent cinquante francs, et convoyeur au Service de Transit de la Région Parisienne. Je perfectionnais mon art de la conduite en conduisant des camions de tous tonnage. Un jour alors que je n'avais pas encore touché aux tracteurs "berliets" le colonel commandant la base m'a ordonné de prendre le volant d'une remorque de 25 pieds chargée d'un moteur Hercule destiné à la base de Thiais , au Sénégal, que je devais amener à l'avion à Orléans Bricy. Je n'avais jamais conduit d'engin pareil et pendant les premiers kilomètres j'ai roulé en seconde sur huit vitesses, et démoli l'angle d'une maison, heureusement abandonnée, à la sortie de la route de la base. Ce n'est que le soir en revenant que j'ai aperçu les dégâts...Entre temps j'avais appris à prendre du champs pour tourner, à cause de la longueur de la remorque.

   Pendant ce temps, la situation de mes Parents changeait. Le frère de ma mère, André Montésinos, une vieux célibataire était dans un état lamentable seul dans sa bicoque, et mon père donna son compte à Starlux, pour pouvoir aller aider André à survivre. Passionné de pêche à la ligne, André Montésinos était devenu un véritable pro de la pêche, ramenant très souvent de grosses quantités qu'il distribuait dans le voisinage. Mais il habitait une maison en solitaire, sans meuble. Il s'asseyait sur une caisse d'oranges à côté du poële pour se chauffer et grignotait des biscuits et des figues sèches pour tout repas.Un régime pareil et des séjours plus ou moins longs au bord de l'eau où souvent il passait la nuit, avait eu raison de sa santé et lui avait communiqué un Emphisème, et le médecin lui donnait six mois à vivre. ilétait d'une maigreur effrayante. Cet homme n'était pas dénué de qualités. Il avait appris le français tout seul en autodidacte, et écrivait des poëmes....mais il était très négligent pour sa santé. En quelques mois mes parents avaient transformé sa vie et lui avait redonné des années d'espérance de vie. Mon père lui avait soutiré de l'argent qu'il serrait dans la poche ventrale de sa saloppette pour lui acheter une table et quatre chaises de paille, ainsi qu'un buffet, et de la vaisselle et des casseroles. La cuisine de ma mère et  les soins appropriés et il reprit la vie pendant six ans au lieu de six mois! A ma libération de l'Armée le 28 aoüt 1965, je me rendis chez lui et le trouvais un peu remplumé, mais toujours passionné de pêche. Sauf qu'à présent il mangeait à sa faim et une nourriture saine et variée.

    Pendant mon séjour à Saint Cyr l'Ecole, j'avais noué des contacts et des amitiés avec des gens à Versailles. Notamment avec un artiste à la vie étrange et alcoolique, Shasmoukine.Violent et macho, il vivait en marge de la société tout en en faisant partie. Il aimait les défis et je n'ai plus jamais rencontré, depuis quelqu'un comme lui, insensible à la douleur physique.Il se tatouait le visage et les bras et effaçait à l'acide, puis recommençait. C'est de cette époque que date le tatouage que je porte sur le bras gauche. J'avais demandé une rose, et il a dessiné une rose selon ses vues...sur l'autre bras je voulais une croix... et naturellement il a dessiné une croix orthodoxe... a cette époque je croyais en la "rosecroix" et en l'avenir spirituel de l'espèce humaine.

    J'avais rencontré un autre personnage énigmatique, Lucien Pischler. Antiquaire et animalier dans le Passage des Deux Portes, à Versailles, il ambitionnait de monter un élevage exemplaire de moutons et voulait que je fasse un stage en Lozère pour apprendre à élever des brebis. Son intention était de me confier un élevage à Bois  le Roi, où il avait des terres. C'est pour cela qu'il m'avait confié aux bons soins de Gilles Ithurbide, berger professionnel en lozère. Normalement il devait me payer pour ce stage qui devait durer deux ans. En fait, trois mois après il mourrait alors que je m'acclimatait à la vie du Causse Méjean, et du coup ses projets s'éteignirent avec lui. Mais le régisseur du domaine avait pu mesurer ma capacitéde travail et voulait que je reste. Ce que je fis. C'est ainsi que je rencontrais Georges Brassens qui s'était mis au vert quelques jours. Mais avant de continuer à narrer la suite, il faut que parle d'une autre personnalité intéressante connu à Versailles.

    Patrick Hamard était antiquaire Passage des Deux Portes, et lorsque je suis sorti de l'Armée, j'ai été chez lui pour travailler. Il avait commencé à m'apprendre quelques trucs du métier de brocante. Il venait de passer trente ans à naviguer pour la Compagnie Maritime Delmas Vieljeux, et son expérience maritime m'intéressait. Il a d'abord essayé de me faire inscrire à l'école de la marine marchande, mais j'étais déjà trop vieux à 21 ans!Alors il a voulu m'apprendre la brocante et le métier d'antiquaire. J'allais avec lui chez les clients, et j'observais ses méthodes d'achat de marchandise. Il avait commencé en revendant la vitrine antique du fond de commerce qu'il avait ouvert, Passage des Deux Portes.Ensuite son sérieux dans les affaires et ses relations lui permirent de développer rapidement son commerce. Personnellement j'étais enchanté de suivre ses enseignements, malheureusement, étant excessivement curieux de tout je me laissait entraîner avec l'aventure de Pischler, et je me retrouvais en Lozère dans le fumier de mouton jusqu'au cou.

    Là la vie était trop prenante pour avoir le temps de s'ennuyer. Le troupeau comprenait quatre mille têtes de brebis, et quelques deux mille agneaux en bergerie. Cela faisait du travail! Le propriétaire de ce cheptel n'y connaissait rien. C'était un fabricant de fauteuils de Nîmes qui avait investi dans l'achat de cette ferme abandonnée de trois mille hectares. Il avait l'intention de gagner de l'argent et étant le président de la "Cheville Langonaise" Société de boucherie de Langogne, il s'était tourné vers le mouton. Il avait donc embauché Gilles Ithurbide à sa sortie de l'école de Berger de Rambouillet, et lui avait confié la gestion du troupeau avec le concours d'un autre berger qui avait ses propriétés dans les Gorges du Tarn, Aux Vignes. Le but de Gaston Defalque, était de gagner de l'argent. Ainsi, périodiquement il envoyait le boucher  faire des prélèvement sur le troupeau. Pour parfaire les choses il avait acheté mille hectares de plus et un village abandoné à l'extrémité est du Causse, au Tomple, anciennement Monteils le Haut, où ne subsistait plus qu'un vieux berger et sa compagne, qu'il avait embauché dans la foulée. Ainsi nous avions envoyé quelques centaines de têtes auTomple, mais il nous en restait encore pas mal à gérer. Gilles soignait et sortait le troupeau, et moi je m'occupait des agneaux en bergerie et des cultures. Le seul tracteur que nous possédions était un"Deutz" d'occasion qui avait toujours du mal à démarrer le matin et j'avais trouvé une solution en le perchant sur le faite du toit d'une ancienne bergerie qui servait de dépôt. le toit arrivait juste au niveau de l'aire de battage et en positionant des madriers j'avais fait la jonction. Je calais les grandes roues juste sur le faîte de lauzes. Pour partir le matin aprés vérification des niveaux, j'otais le chevron qui calait le tracteur et sautait dessus avant qu'il s'ébranle. Il fallait faire vite, et embrayer, passer la troisième, laisser rouler jusqu'au bord du toit et lâcher tout. Il démarrait toujours comme çà.

   Gilles était fâché avec la mécanique. la seule fois où il a voulu conduie le tracteur ilest rentré dans un arbre et à calé. il avait une 4CV renault pour faire les courses. je ne sais pas comment il avait obtenu le permis de conduire, mais il ne savait pas tenir un volant et n'aimait pas çà. Moi je n'avais pas de permis encore, j'avais négligé de faire transformer mes permis militaires, et tout perdu. Mais c'est moi qui prenait levolant pour aler à Florac. je ne voulait pas faire le grand saut epuis le haut du causse. Quand Gilles arrivait à Pierre Plate, juste avant de descendre vers la vallée, il était tétanisé par le vide qui s'ouvrait devant luiet ne savait plus ce qu'il faisait. Je prenais donc le volant par sécurité. Tant qu'il y avait la montagne sur le côté çà allait, mais quand c'était le vide, Gilles paniquait et se voyait déjà tomber! Il faut dire que le muret qui borde la route était plutôt bas et c'est impressionnant.

    Gilles était un grand timide. Titulaire d'une licence d'architecte, il avait préféré faire l'école de Berger de Rambouillet pour pouvoir bénéficier de la solitude du berger. Quand on allait à Florac il rasait les murs fuyant le contact avec les gens. Il allait à l'épicerie et en boucherie,puis regagnait la voiture en vitesse pour ne pas avoir de contact avec les gens du pays.

    Moi je prenais toujoursd le temps d'aller boire un demi au "Globe" le café de l'ancien propriétaire de la ferme où nous vivions: Cavaladette. monsieur Paradant me demandait toujours des nouvelles de son  ancienne propriété, où il retournait chasser de temps ent temps, et me racontait des annecdotes du passé. c'était toujours intéressant. Et puis j'allais aussi dire bonjour à Jeannette, qui tenait le restaurant où nous mangions avant de remonter pour 5 francs tout compris, avec trois plats de viande et vin à volonté. C'était très copieux! Jeannette était originaire du Causse elle aussi, et avait encore sa ferme à Grosgarnon avec ses parents et ses cousins. Et puis j'allais aussi faire un petit salut à Florence, la fille du pasteur. Gilles se morfondait dans la voiture, mais ne voulait pas en sortir. J'assistais à l'office protestant avec le père de Florence, puis ensuite je courtisait un peu sa fille avant de remonter dans notre solitude.

   Tout cela se passait en 1965-1966. Et puis vint l'été 1966 et les soixante hectares de trèfles et de luzerne avaient été fauchés et transformés en balles compactes que nous avons ramassés à trois! plus de dix sept mille balles de fourrage! çà représente un travail énorme, et l'immense nef de la vieille grange était pleine jusqu'à la voûte. Il avait fallu dressser des meules dehors recouvertes d'une bâche. Et puis il y avait le blé dur qui était revendu en partie et le seigle que nous gardions pour l'hiver. Malgré cela le propriétaire avait acheté quarante tonnes de pois chiches du Maroc , pour engraisser les agneaux. Les pois étaient stockés dans une des chambres du bout, assurant l'isolation pour l'hiver, la pièce étant pleine jusqu'au plafond des gros sacs de cent kilos, qu'il avait fallu transporter à dos sur un parcours tortueux, avec des escaliers! Le jour de la livraison j'étais sur les rotules; et le régisseur, Jean Claude également. Le lendemain sa femme et sa mère sont venues nettoyer notre salle commune qui en avait bien besoin. Gilles et moi entassions sur la grande table devant la cheminée toute la vaisselle où nous mangions. les poëles grasses et les assiettes sales s'empilaient au milieudes bouteilles et des flacons de médicament pour brebis. il y avait des miettes partout et des os dans la cheminée. Le jambon et les pannes de lard pendaient dans le manteau de la cheminée où je m'étais construit un fauteuil pour les longues veillées, avec des planches de claies à brebis. L'énorme meuble était presqu'entièrement recouvert de peaux des béliers berrichons que le propriétaire avait voulu acclimater sur le Causse. Les pauvres moutons, courts sur pattes et trapus, n'avaient pu survivre devant les béliers Caussenards et Blancs de Lozère, qui les avaient tués tous les sept avant de commencer à s'occuper de monter les brebis. Nous n'avons rien pu faire. Le temps de sauter dans le parc où les jeunes béliers berrichons, avaient été lâchés, ils étaient tous morts. Nos béliers, des animaux de près de cent kilos et de quatre vingt dix centimètres au garrot, ne supportaient pas la concurrence. Le Maître Berger était venu de Langogne pour faire l'autopsie des sept cadavres. Les pauvres avaient tous les parasites imaginables, la douve du foie, les strongiloses pulmonaires et stomacales et des ténias de deux sortes! Si les béliers ne les avaient pas tués les parasites l'auraient fait.

   Le but du propriétaire était d'obtenir un croisement entre la brebis Caussenarde haute sur patte, à la silhouette élancée, et le "Berrichon" court sur pattes, pour obtenir un gigot d'agneau plus compact. Mais le croisement n'a pas pu se faire. Les béliers berrichons n'arrivant pas à saillir correctement les hautes brebis. Le régisseur avait voulu stimuler les béliers en faisant entrer en lice les Blancs de Lozère. Grossière erreur qui a coûté la vie aux jeunes Berrichons. Du coup j'avais récupéré les peaux à la fourrure épaisse pour mon fauteuil qui était devenu très confortable, mais les peaux étaient brutes d'écorchage, tout juste grattées, mais pas lavées.

     Au mois de juillet, juste après les récoltes, un autre personage a fait son apparition, barbu et chevelu, il recherchait des vieilles auges et des gouttières en bois, pour décorer son intérieur. je discutais avec lui et découvrais qu'il était Marbrier, et même directeur de la marbrerie de Florac que je ne connaissait pas. Nous discutâmes pas mal  et devîmes "amis". je dis cela entre guillemets, car l'amitié était à sens unique. moi j'étais un peu naïf à l'époque et j'accordais ma confiance un peu trop facilement par sympathie. mais lui était plus "renfermé" et bien moins ouvert. Néanmoins il m'invita à venir le voir à Florac et je décidais d'y aller , ne serait-ce que pour changer des moutons. Les grands travaux de ferme étaient terminés et j'avais demandé une augmentation au propriétaire qui me donnait juste trois cent francs par mois pour survivre. Bien entendu, je me payais sur le troupeau et donnais un agneau au boulanger pour le pain et le miel du mois, et des sacs d'aliments pour agneaux à l'épicière de Mas Saint Chély pour payer la note...mais çà ne pouvait pas durer. Devant le refus du propriétaire de m'augmenter je suis parti définitivement, avec mon baluchon et j'ai rejoint la carrière de marbre.

   Quand j'ai entendu les scies entamer la Pierre et que j'ai vu un Tailleur de Pierre dresser une cheminée en marbre éclaté à la chasse, j'ai tout de suite eu envie d'essayer. Le directeur m'a embauché et logé dans l'atelier même au dessus d'un débarras où j'ai installé un matelas accessible avec une échelle. Le bruit permanent et fantastique de l'acier mordant le marbre me fascinait et pendant quelques mois je m'occupait de conduire le grand disque de trois mètres de diamètre qui débitait des tranches de quinze millimètres d'épaisseur pour fabriquer des carrelages. le marbre de St Enimie, beige rosé avec des ocelles vertes et grises était assez commun mais une fois poli donnait un beau carrelage qui était découpé en carreaux de quinze trente, trente trente, et quarante quarante, suivant la demande. J'appris à polir jusqu'au poli brillant avec les sels oxaliques,puis à me servir des règles pour découper les carreaux au millimètre près. Je travaillais trés sérieusement pendant trois mois, mangeant chez Jeannette, pour 5 francs par jour. Mon premier salaire fut de sept cent francs!

    Mais un jour alors que je descendait de mon perchoir pour prendre mon service, puisque l'atelier tournait en trois huit, je trouvais un Italien et son fils en train d'occuper mon poste. J'allais demander des explications au Directeur qui me rétorqua que le père et le fils venaient du Piémont et travaillaient à eux deux pour moins d'argent que moi! J'étais désemparé et déçu. Ne sachant que faire, je fis le tour des cafés que je connaissais et bus plus qu'il ne fallait, écoeuré par la duplicité du Directeur de cet atelier. Mais j'avais goûté à la Pierre. J'étais mordu, mais avant de continuer j'avais besoin de revoir ma famille. Un bain prolongé dans la rivière m'éclaircit les idées et je décidais d'aller chez ma soeur, à Béziers.

    Monique avait sa vie de son côté, mais nous avions toujours été très proches et nous avions beaucoup d'idées en commun. je me faisais une joie de la revoir. J'allais à la gare et prit un train pour Nîmes où la correspondance pour Béziers serait assurée. Le train était comble, les gens serrés comme des sardines en boîte, et je décidai de m'installer en première qui était vide. Ces autorails rouge et jaune sont toujours pleins de monde. Le compartiment de première était petit mais vide d'occupant et à la grimace du contrôleur je compris pourquoi. J'avais mis ma bonne vieille capote militaire dont j'avais dû supprimer les boutons à l'instigation de la gendarmerie. Mais elle était imprégnée de suint de mouton à un point que je ne mesurais pas, habitué à cette odeur depuis plus de deux ans, de plus mon pantalon et mon pull comme mes bottes étaient également imprégnés de l'odeur forte du mouton et la casquette militaire que je portai également.Tout cela avait pris une teinte verdissante. Quand je débarquais chez Monique elle aussi réagit violemment à mon odeur corporelle. Elle me fit déshabiller dans l'escalier de son appartement et jeta mes affaires sauf les bottes dans un sac poubelle, puis me fis entrer tout nu dans la baignoire où elle vida un bidon d'eau de javel et mit de l'eau chaude, et je dût frotter jusqu'à ce qu'il n'y ait plus la moindre odeur. Pendant que j'étais dans le bain elle alla voir mes parents pour leur annoncer mon retour et prendre quelques affaires propres. Une fois briqué et redevenu net elle m'envoya chez Jo le coiffeur, un ami de mon père, pour me rectifier les poils selon sa propre expression. J'avais deux ans de cheveux  et de barbe.

      Une fois redevenu "civilisé" j'allais rendre visite à mes parents puis je retournais voir ma soeur et nous discutâmes à bâtons rompus de la situation et je lui racontais tout ce que j'avais fait. Elle, avait quitté Paris, mais elle avait eu sa mutation pour Béziers, au service Voies et Bâtiments de la SNCF où elle était depuis une dizaine d'années. Elle fréquentait un gars sympathique, Jacques Wojtylak, Légionnaire à la 13° demi brigade basée à Djibouti, mais qui allait rejoindre l'armée de Terre aprés sept ans de Légion. Comme moi c'était un gémeau ascendant Lion, un joyeux luron et elle avait bien besoin de rire un peu après les vicissitudes de sa vie. On ne le savait pas encore à ce moment là mais l'oncle de jacques était le cardinal Wojtyla, qui allait devenir Jean Paul II le Pape succédant à Jean XXIII...il avait enlevé le "k" à la fin de son nom pour se dissocier de la famille ouvrière...pas très correct je trouve pour un futur Pape! Mais c'est seulement mon opinion.

     Après cela, je commençais les formalités pour faire un stage AFPA de Tailleur de Pierre pour apprendre la pierre blanche. Car il y a plusieurs catégories de roche et chacune a ses ouvriers spécialisés. Le Marbre a ses marbriers, la Pierre Blanche a ses Tailleurs de Pierre, le Grès ses grèseurs, et le granit ses granitiers...quelques mois après j'entrais au Centre AFPA d'Angers pour suivre un stage de vingt six semaines. J'eus la chance de tomber sur un moniteur exceptionnel et passionné par son métier qui me forma admirablement.

       Cette période fut pour moi un total changement de mes habitudes, en plus le mouvement Hippie battait son plein dans le monde, et le soir on se réunissaient à la Maison des Jeunes voisine, pour jouer aux cartes au début, puis au Monopoly! Pendant trois mois je gagnais et perdais régulièrement un salaire complet à ce jeu dément. Nous faisions des parties à Huit joueurs avec deux jeux accolés sur des tables larges et basses faites d'une grosse tranche d'ardoise de Trélazé. Un des joueurs le barman, faisait la banque et s'y mettait de tout son coeur, car il était avare de nature. Dédé était le barman mais aussi il faisait un de tout à la MJC. Il avait trouvé ce job et y était bien. Le directeur, un juif russe dont j'ai oublié le nom était plutôt sympa et fermait les yeux sur notre partie de Monopoly qui commençait le vendredi soir et durait jusqu'au samedi matin, parfois jusqu'à midi. A cette époque je sortais dans Angers vêtu d'une chemise hippie aux couleurs criardes et seulement avec mon pantalon de travail en coutil blanc. Je marchais pieds nus, au début, puis plus tard avec des sabots angevins, qui étaient nos chaussures de sécurité traditionnelles en Taillede Pierre.

     Pour le stage nous étions quatorze, mais quelques années plus tard nous n'étions plus que deux àavoir continué la Pierre. A la sortie du stage, je trouvais du travail dans l'entreprise Costes. Simon le patron était réputé pour son habileté à maquiller la Pierre en Monuments Historiques, et je désirait en savoir plus. Il ne voulait pas de moi officiellement, mais il accepta que je travaille sans être payé et je travaillais dur, dormant sur les chantiers, pour lui prouver que j'étais un ouvrier indispensable. Au bout de trois mois il accepta de me prendre dans son équipe officiellement pour neuf cent francs par mois. Le Smig étant à quatre cent cinquante. Sous sa houlette j'appris énormément de choses qui me serviraient sans cesse plus tard jusqu'à la retraite! J'appris à sculpter sur le tas au château de Saumur, en restauration.

A la fin du chantier, muni de quelques outils dans une vieille besace achetée aux puces, je pris le train pour me rendre en Avignon, où l'entreprise Girard cherchait des compagnons pour le Palais des Papes. J'arrivais  en gare avec le mistral qui soufflait en rafale de force dix! Je trouvais l'entreprise et non loin de là le Foyer des jeunes travailleurs où je trouvais une chambre à partager avec un Pied Noir  récemment arrivé en France avec la guerre d'Algérie. Heureusement, je regagnais la chambre juste pour dormir, car la communication était impossible avec ce crétin qui trouvait que je répandais de la poussière blanche partout. Le travail au Palais des Papes était intéressant. Il fallait reconstruire une baie dans la tour Saint Laurent, et le chef de chantier vit tout de suite que j'aimais mon travail et le pratiquais avec sérieux et il me confia les plans d'appareillage et je m'occupais seul de cette baie de trois mètres de large et de sept mètres de haut avec un meneau de cent cinquante millimètres.  Dans l'ebrasement de la baie il y avait deux sièges à droite et à gauche sur toute l'épaisseur du mur qui mesurait trois mètres cinquante, L'appui de la baie en deux parties de neuf cent kilos chacune fut posé avec l'aide de deux manoeuvres marocains qui travaillaient comme des chefs. La roche de Tavel n'est pas blanche mais plutôt grise avec parfois des "os" de silex, mais c'est une roche demi dure, excellente pour ce travail. Six mois plus tard la baie était terminée et je recevais les félicitations de l'architecte. J'allais alors aider le vieux Gilbert à restaurer la chapelle de Clément VI. Gilbert avait soixante dix ans et bossait toujours. Il ne pouvait, pas imaginer rester chez lui à ne rien faire. Ami personnel du Patron de longue date, il travaillait seul car il ne supportait pas les autres. Mais le patron m'avait pris à part et m'avais "briefé" sur Gilbert en disant qu'ilétait vieux et qu'il ne voulait pas qu'illui arrive malheur, tout seul sur le chantier. Dès le début, le courant est passé entre Gilbert et moi. Et le fait que je désire dormir sur le chantier était un point en ma faveur car je travaillais jusqu'à 23h00 et parfois minuit et le matin à cinq heure j'étais au travail. Gilbert allait et venait en fonction du travail sans horaires fixes, entièrement libre. Paefois on taillaient ensemble jusqu'à quatre heures du matin puis on buvcait le café chauffé sur le brasero, puis on posait ensuite. Nous avons refait plus de la moitié des douze croisées d'ogive, a tous les deux. Et puis un matin alors que je taillais une clé pendante aux armes de Clément VI, M. Girard père est venu me voir et à son air j'ai compris que quelque chose n'allait pas. Gilbert était mort d'un arrêt du coeur dans son lit! Le patron a admiré le travail que nous avions fait ensemble Gilbert et moi. Puis il m'a demandé si je voulais continuer seul avec un manoeuvre et j'ai dit oui.

A l'enterrement j'ai rencontré Brahim, qui pleurait sincèrement mon ami  et nous avons décidé au café où nous sommes allés boire uncoup à la mémoire de Gilbert, de continuer la restauration ensemble. Le Patron a été d'accord et on a continué jusqu'au bout. Brahim était un homme intelligent et habile de ses mains. Son métier était maçon en Algérie, mais là il servaiot de manoeuvre. mais je lui confiai la taille de pièces délicates avec confiance car il était compétent. J'ai réussi à persuader le patron de le nommer Tailleur de Pierre, ouvrier qualifié, et sa paie a changé du simple au double. Il m'en a été reconnaissant et pendant tout le reste des travaux, pendant six mois, je n'ai pas eu à me préoccuper de la nourriture. Sa femme nous préparait à manger et nous apportait tout sur place. Le soir il restait avec moi jusqu'à vingt et une heure parfois et le matin il était là à six heures quelle que soit l'heure à laquelle il s'était arrêté la veille!

Mais c'était en 1968 et un matin il n'est pas venu. Du haut des remparts j'ai vu le piquet de grève devant la porte du Palais, et j'ai compris. Il ne restait que des finitions à faire et j'ai terminé seul pendant une dizaine de jours, sortant  seulement la nuit par un passage secret seulement connu de Gilbert et de moi, pour aller manger un morceau au restaurant à côté. Pendant un an que j'ai travaillé à cette chapelle, je n'avais pratiquement rien dépensé et j'avais rendu ma chambre au foyer, pour dormir sur le chantier dans mon hamac. Je prenais un bain tout nu dans un fut de deux cent litres trois à quatre fois par semaines. A la fin je regrettais que ce soit fini, mais je n'avais plus rien à faire et je rassemblais mes outils. je téléphonais au patron pour lui faire mon rapport et il me rejoignit au café place de l'horloge, pour me donner ma paie en liquide et moi je lui donnais mes outils pour qu'il les donne à Brahim, puis je suis parti, pour retourner en Région parisienne. Les grèves étaient passées et les travaux reprenaient un peu partout et je trouvais un autre travail; pour l'entreprise qui restaurait les Petites Ecuries à Versailles, jusqu'en décembre. mais le froid s'étant installé nous fûmes mis en intempéries puis licenciés. Le patron Joseph Chapelle, ne payait pas des ouvriers à rien faire. La Pierre était gelée et impossible à travailler, même avec un brasero de chaque côté. Elle dégelait puis regelait après en sortant du chantier.Dans le métier, nous appelons chantier l'atelier sous abri que nous installons sur place.

   Du coup je me retrouvais sans emploi et je me mis à lire les annonces au café devant une chope de bière. Mais le marasme touchait toutes les entreprises de Pierre. Je découvris une annonce d'un paysan qui cherchait un ouvrier toutes mains, logé et nourri dans la Beauce à côté de Chartres. Je sautais sur l'occasion et prit le bus pour Fresnay-L'Evêque, en Eure-et-Loir.

      Là terminé la Taille de Pierre, mais ma bonne volonté et ma capacité de travail firent merveille. Le patron,Monsieur Doret-Lallemand, était obligé de crier et de se mettre en colère pour que j'arrête de travailler. Je découvrais une activité presque aussi passionnante que la taille de la Pierre. On battait le maïs stocké dans des "krips", des sortes de silos en grillage, à quarante centimètres du sol et larges de quatre vingt centimètres sur deux mètres de haut et recouverts d'une tôle ondulée. Mais c'était la dernière année  que le maïs était conservé de cette façon, car le propriétaire venait de commander un séchoir à maïs qui fut installé dans une structure, sur une dalle à côté de la ferme. Le séchoir fonctionnait au gas oil, et pouvait servir pour toutes les céréales, aussi bien le blé, quel'orge ou le maïs. On produisait aussi du colza. J'appris à labourer avec des charrues brabant à six socs renversables, ce qui me changeait de la charrue à disque utilisée en Lozère. Ici la charrue à disque servait uniquement pour déchaumer après la moisson. La ferme comptait six cent hectares de terres cultivables, mais la terre était morte biologiquement et seul un apport massif d'engrais chimique permettait d'espérer faire pousser quoi que ce soit. Quand tous les travaux des champs étaient terminés, le patron nous trouvait toujours quelque chose à faire. Réparer les sacs de grain vide rongés par les souris ou ramasser les cailloux dans les champs pour réparer les chemins ruraux abîmés par le passage des tracteurs par temps humide. J'étais logé dans l'ancien corps de garde de l'antique Commanderie de Templiers du village, juste à côté de la ferme. Sur la clé du linteau de la porte une date 1680...j'avais deux pièces vides avec une cheminée et un poële que je mis dans la deuxième pièce très humide. J'avais droit à un seau de charbon par jour et je l'économisais. Le bois des krips à maïs était disponible et j'en brûlait vingt stères dans l'hiver. Le lit était le seul meuble au début, un lit cage pliant. Mais j'étais bien payé, six cent francs par mois au début, logé et nourri, et bien nourri. Je mangeais avec la bone Octavie, qui se méfiait un peu au début, puis devint plus sympathique avec le temps. Elle appréciait que je mmangeait de tout et finissait tous les plats qu'elle me présentait. Je profitai des heures de loisir pour apprendre l'astrologie, qui m'avait toujours passionné. A la maison mon père avait l'encyclopédie des sciences occultes du Docteur Néroman,et je l'avais tellement étudié que je la connaissait presque par coeur. Je prit contact avec la Librairie Adyar, la librairie de la Société Théosophique, square Rapp, à Paris et ils m'envoyèrent leur catalogue. J'achetais toutes les oeuvres de Georges Muchery, et les tables des Positions planétaires de Chacornac, les calendriers des Maisons de Raphael, et commençait l'étude des thèmes de naissance des gens que je connaissaient. J'eus un excellent contact avec le curé de la paroisse et même taillais quelques pierres pour son église, et la commanderie à côté. Monique vint me voir plusieurs fois, mais la vie avec Jacques commençait à se dégrader. Ils fumaient et buvaient tous les deux beaucoup,puis Monique, du jour au lendemaincessa de boire et de fumer, avec la ténacité et la force qui la caractérisait. mais le malétaiut fait et Monique qui était médium naturelle, partait en astral sans le vouloir dès qu'elle fermait les yeux pour dormir, et avait de plus en plus de mal à rentrer dans son enveloppe corporelle à cause des abus d'alcool et de tabac passés. J'allais à Versailles en vélo, pour la voir et plusieurs fois elle ne dût son salut qu'à mon arrivée. Wojtylak était Sergent chef à Beyne, dans l'Infanterie Coloniale, mais proche de la retraite, il commençait à coucher à droite et à gauche avec d'autres femmes et buvait toujours beaucoup dès le matin! Il avait été mon ami, mais de plus en plus je lui en voulait de son comportement, car moi je suis d'un naturel fidèle. Une femme à la fois!mais pas lui! Il avait obtenu une mutation sur le Larzac, et Monique était obligée de le suivre, puisqu'ils étaient mariés. ils logeraient à Millau, ma ville natale. Quelques jours avant le départ pour Millau Monique me rejoignit à Fresnay l'Evêque, en affirmant avoir quitté son mari à la vie trop dissolue et elle me proposait de rejoindre l'Arche de Lanza Del Vasto, dans le midi. Je n'hésitait pas une seconde, et partit avec elle. Nous avions pris une chambre dans l'hôtel de l'Aveyron à Saint Michel, mais elle avait des remords et décida de retourner à Versailles pour quitter son mari plus tard après le déménagement. malheureusement moi j'étais parti et en pensé j'étais déjà loin! J'avais pour principe à cette époque de ne jamais revenir en arrière. Donc je décidais de continuer vers les Cabrils, la gare de l'Arche, dans le nord de l'hérault.

    J'arrivais à cette gare perdue un matin vers huit heures et me retrouvais frissonnant sur le quai où je jetais mon paquet de gauloises vide. j'avais fumé un paquet entier toute la nuit et j'étais écoeuré, je jetais aussi le briquet bien décidé àarrêter et deamdait au chef de station où était la communauté. il m'indiqua uncheminqui passait derrière la gare et montait vers le village de la Borie Noble. Il y avait quatre vingt centimètres de neige fraîche tombée dans la nuit, et mes premiers pas me remplirent les bottines que je portais. Je les ôtais et les jetait au loin ainsi que les chaussettes et retroussait mon pantalon jusqu'aux genoux, ouvrait ma gabardine d'officier de la légion, cadeau de Monique, et entreprit de rejoindre la communauté, où j'arrivais une heure plus tard après avoir toussé comme undératé pour cracher la fumée de mes poumons!

     Les premières personnes à me voir arriver ainsi équipé,sans bagages, avec seulement mon pardessus sur le bras, le pantalon retroussé et pieds nus dans la neige s'exclama:" Un ours! un grand ours!".

   Je fus accueilli chaleureusement et congratulé pour avoir marché pieds nus dans la neige, mais pour moi c'était une sensation unique que je n'oublierai jamais.D'ailleurs je devait rester près d'un an dans cette communauté spirituelle,sans jamais mettre de chaussures.

     Lanza Del Vasto m'acueillit come s'il me connaissait depuis longtemps et me souhaita la bienvenue parmi eux, et me présenta Chanterelle sa femme qui trouvait toujours le moindre prétexte pour chanter. Je fis la connaissance de gens très intéressants au caractère indépendant et volontaire tous unis pour la non-violence et l'action politique contre la guerre et les exclusions de toutes nature. Par conre il me signifia qu'il ne pouvait pas accueillir ma soeur en rupture de contrat de mariage. C'éatit une communauté Patriarcale qui n'acceptait pas le divorce et la ruptures d'engagement pris devant une personne assermenté comme un maire ou un curé. je téléphonais la nouvelle à Monique qui en fut très déçue, mais m'apprit qu'elle avait un peu renoué avec Jacques, le temps d'uneséparation plus officielle et plus intelligente.

    Quand les Archistes surent que j'étais Tailleur de Pierre, ils furent enchantés car ils reconstruisaient les villages de La Borie Noble et de Nogaret, qui avaient été détruits complètement par les Jeunesses de Pétain. Ils avaient démontés les maisons pour installer des baraques de bois à la place. Les gens de l'Arche, venaient d'acheter le domaine de trois cent hectares, avec les deux villages et aussi la ferme Des Gardies de l'autre côté de la vallée. Pour l'heure ils laissaient les Gardies en plan, pour plus tard. Il fallait reconstruire la route menant à Nogaret et y aménager des maisons pour loger les couples de compagnons de la communauté ainsi que les célibataires de passage dont je faisais partie.  Je fus invité à participer àtoutes les activités et aux repas. Ilsétaient tous végétariens et non violent et la vie était rythmé par des coups de cloche toutes les heures. Alors on cessait toute activité en se concentrant sur soi même, pour prendre conscience d'être et de faire partie d'un tout. Je commençais à prendre des leçons de Hata-yoga avec un excellent professeur, Erwan le Maçon, qui avait été paralysé par la poliomélite. Il s'en était sorti grâce au Yoga et était devenu un yogi expérimenté. Tous les jours à Nogaret il donnait une leçon, avec beaucoup de patience et de compréhension. C'était aussi lui qui dirigeait les travaux de reconstruction, avec Jean L'Hirondelle, qui était Architecte de formation. Tous les jours je descendais à La Borie Noble chercher le lauit et le babeurre pour les enfants de Nogaret. le chemin était couvert de glace sur les trois quarts du parcours et seul un homme pieds nus pouvait y marcher sans glisser. Et j'étais si heureux de pouvoir leur rendre service! Je découvrais une nouvelle façon de vivre et de penser. Je logeais dans le bâtiment des célibataires, avec d'autres gars plus u moins déboussolés. Un drogué nous a même rejoint pendant quelques semaines, et nous avons fait tout ce que nous pouvions pour le sevrer. mais il allait se cacher dans la nature pour fumer des cigarettes trois par trois, tant il était à court de drogue.

   Mais dans cette nature pure exempte de pollutions la fumée du tabac se sentait très loin. Jean l'Aigle, un solitaire, compagnon confirmé avait senti la fragance du tabac dans l'air. Jean était  Libanais, fils d'un Cheik important, il était venu avec son frère pour voir Lanza Del Vasto et n'était jamais reparti. nous avions tous un "totem" animal en fonction de nos caractéristiques personnelles. moi j'étais Grand Ours, ou l'Ours, il y avait Cheval, Chat, La Caille, La souris etc...Jean baptiste assurait l'enseignement avec la méthode Couet, qui donnait d'excellents résultats, les enfants de l'Arche developpant un intrellect délié et ouvert sur les choses réelles de la vie. Il avait l'aval de l'inspection de l'Académie Nationale.

   Je ne pouvais imaginer restertoute ma vie à L'Arche. Pour moi c'était une transition, il fallait que je passe à autre chose, mais je ne savais pas quoi. Je décidais de retourner à Béziers dans un premier temps, puis de chercher du travail dans la région. J'arrivais chez mes parents à point nommé, car mon père s'apprêtais à louer un fourgon pour aller chercher les quelques meubles d'André montésinos qui était mort entre temps. La succession devait être partagée entre l'aide sociale et les héritiers qui n'étaient pas trop d'accord entre eux, du côté de la demi propriétaire de la baraque. Mon oncle avait possédé la moitié de cette masure et la vieille femme qui vivait avec lui avant, l'autre moitié. Maintenant qu'il était mort, l'aide sociale présentait sa facture à mes parents et celle ci était largement plus qu'ils ne possédaient.

   Louant un J7 Peugeot à l'agence Avis nous nous mîmes en route. En fait l'armoire d'André avait été construite dans la chambre et ne pouvait en sortir que détruite. Nous avons démontés les lits et pris le buffet de cuisine et la table avec ses chaises. Tout le reste est resté sur place à la disposition de l'aide sociale. Au retour j'ai trouvé du boulot comme cariste dans une boîte Américaine, "Cameron Iron works" qui fabriquait des vannes et des pipe line pour le pétrole. J'y excellait rapidement à la conduite des chariots élévateurs...mais le destin me guettait au tournant en me faisant rencontrer une femme fatale...tout en travaillant dur chez les américains j'avais commencé à acheter et vendre des livres  anciens et çà marchait plutôt bien. J'avais un stock important et assez de liquidités pour m'installer et cesser de bosser comme cariste, quand ce maudit hasard m'a fait prendre le train pour aller à Nîmes faire l'achat d'une bibliothèque de notaire. Pour moins de dix mille francs j'achetais une bibliothèque qui en valait quatre vingt mille...mais je rencontrais Aline...

   J'avais connu Aline à l'Arche et nous avions discutés à de nombreuses reprises. A l'époque elle était célibataire. Là je la retrouvais à la gare de Béziers et elle m'apprit qu'elle s'était mariée avec un de mes amis, Tailleur de Pierre. mais ils étaient séparés et elle me montra sa tête enveloppée dans un foulard. elle me dit qu'Alain lui avait arraché les cheveux par poignées! J'avais du mal à le croire, Alain Foulon étant l'homme le plus gentil et le plus doux que j'ai rencontré à ce jour! En fait elle avat commencé à entreprendre de me conquérir en faisant jouer ma pitié pour elle. Bien entendu j'acceptais qu'elle vienne chez moi provisoirement et nous avons vécu un temps ensemble. elle avait deux petites filles, Claire qu'elle avait eu avec un autre homme qu'Alain avant lui, puis Marie Gabrielle avec Alain, et désirait un enfant de moi. mais je n'étais pas emballé par cette idée. Aline était une femme d'un mètre soixante quinze rousse aux yeux verts et à la peau très blanche, et elle jouait sur le fait qu'elle était mon type de femme préféré. mais elle bouleversait ma vie. J'étais sur le point d'acquérir un immeuble possédant un immense magasin au rez de chaussée dans une cour close, pour en faire un entrepôt pour les livres que je stockais sur le terrain de l'ancienne Gare du Nord de Béziers, qui datait des Chemins de Fer du Languedoc, dans des remorques louées. Pour faciliter mon commer'ce, j'avais acheté un duplicateur Gestetner et je devais aller à Montpellier faire un stage de trois jours à la Maison mère pour apprendre à m'en servir. Je ne me doutais pas un instant de l'opération qu'Aline était en train de monter pour me déstabiliser. Quand je revins trois jours plus tard, elle avait revendu la presque totalité des livres stockés et distribué le reste, ainsi que mes meubles etmes affaires, elle portait mes jeans et mes pulls sur elle et se servait de mon vélomoteur. Mon appartement de trois pièces était dsert, elle avai tout enlevé et même arraché le papier peint des murs pour accentuer le côté désolation! Je n'avais plus rien du tout et elle avait déposé une plainte comme quoi je la battait et affamait ses filles! j'étais horrifié par une telle duplicité et complètement démoralisé. Ne sachant pas conduire elle n'avait pas touché à ma 2CV restée dans la rue. Je montais dedans et roulait tout droit sans savoir où j'allais, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'essence, et j'arrivais à Lunel, garais la voiture sur le trottoir en la poussant et continuait à marcher à pied comme un zombi. Je finis par atterrir à Cannes, sur la plage hébété et désorienté et finis progressivement par retrouver l'usage de ma tête, au bout de quelqus jours passés à dormir au solei et la nuit sur le sable.

    Finalement je réalisais où j'étais arrivé, et affamé et sale, je me dirigeait vers la mer, où je rentrais tout habillé, marchant jusqu'à perdre pied, je faillis me noyer, mais l'instinct de survie me poussa à nager et à revenir vers la rive et je me laissait tomber à la limite des vagues,  les jambes balayées par le ressac....c'est ainsi que je rencontrais Jean Claude.

   Lui, il marchait le long de la grève et arrivait devant moi. Il me regarda et commença à me parler. il était pêcheur en Bretagne, mais sa femme l'avait honteusement trompé et sa vie était fichue. Il était parti avec sa 2CV et avait atterri à Cannes. Seulement lui, il avait gardé sa voiture, mais n'ayant plus d'argent pour acheter de l'essence il la laissait sur le parking du port Canto, juste à côté de la plage où nous étions. Je me suis levé et nous nous sommes assis dans le sable chaud pour parler. A quinze mille bouquins près nous avions eu le même type d'aventure. Il ne nous restait plus qu'à trouver du travail pour pouvoir manger, et nous sommes allés sur le port de luxe, voir ce qu'on trouvait...

    Chez Riva ils cherchaient des employés pour nettoyer les bateaux de luxe et nous nous sommes fait embaucher. Payés à la semaine, deux cent cinquante francs pour passer la peau de chamois sur des bateaux en acajou vernis. Sur les "Fisherman Riva" il fallait nettoyer l'intérieur, le réfrigérateur et laver les coussins, et les vitres. Ensuite on bâchait le bateau jusqu'à ce que quelqu'un le loue. Alors il fallait le préparer, et quand le client arrivait tirer le bateau jusqu'au quai et le maintenir pendant que les gens montaient à bord. Certains donnaient un pourboire, d'autre nous engueulaient en disant que le bateau était sale, pour ne pas avoir à donner de pourboire.

   J'avais passé la peau de chamois sur un des Inboard acajou après l'avoir lavé au savon et rincé, puis astiqué les cuivres. C'était le Bérénice, et quand son propriétaire est venu il a sauté à bord et m'a donné cinq cent francs de pourboire!Le fait d'avoir ce billet de 500 francs dans la main, me fit une sorte de déclic. Je réalisais brusquement où j'étais et ce que j'étais devenu en quelques temps. Un clochard! Je ne pouvais pas rester dans cet état, il me fallait réagir, je me décidai brusquement et je quittai l'entreprise Riva. Mais le patron , un italien, me proposa un dernier travail, il y avait un voilier à rapatrier au Cap D'agde. Je n'avais jamais navigué, mais je pensais à Jean Claude, et j'acceptais. Avec le pourboire et le compte que je percevais j'allais chez le Shipchandler du port et achetai un pantalon neuf et un pull bleu marine, et une paire de bottes anti dérapante. Jean Claude avait commencé à piccoler, et il était toujours "entre deux vins". Néanmoins, dès qu'il fut à bord du voilier il redevint très professionnel et prit la barre, me donnant des ordres que j'executais sans discuter et nous sortîmes du port Canto. Le voilier était un "béneteau". Une grand voile, deux focs, un spi... mais cette dernière voile n'était pas indispensable.

    Jean Claude me confia la barre et me montra le compas:

      - Tu gardes cette direction dit-il, avec la côte à droite, moi je vais roupiller!

Et il me laissa seul, avec mes pensées. J'essayai d'imaginer ce que j'allais faire. Le mieux était de rentrer  chez mes parents et d'éplucher les annonces, pour trouver du travail. Soudain je  réalisai que la côte avait disparu. Mais le cap sur le compas était bon, alors je gardai mon calme, mais je n'étais pas rassuré quand même, malgré la griserie de la navigation silencieuse. Et soudain un énorme poisson se mit à sauter devant le bateau et je reconnus un dauphin! Le mamifère me guida pendant plusieurs heures, jusqu'à la nuit, mais l'obscurité qui tombait m'inquiéta encore plus et je criai pour appeler Jean Claude, qui finit par sortir de sa torpeur alcoolique.

   -Qu'est ce que t'as à gueuler comme un perdu? bougonna-t-il

   - Tu ne vois pas qu'il fait nuit? Je ne vois plus rien!

   -T'as pas besoin de voir, dit-il, tu suis le compas, et il jeta un coup d'oeil à l'extérieur, puis me poussa brusquement. Ce n'était pas un délicat, il faisait tout brutalement, il observa attentivement l'horizon, puis modifia le cap et descendit dans la cabine pour ressortir avec un bouquin où les côtes étaient dessinées en silhouettes avec mention des phares et des faisceaux lumineux.

    Bientôt les pinceaux lumineux de plusieurs phares apparurent sur babord, et il me dit:

    - Tu vois cette lumière là bas? C'est le Cap d'Agde, tu mets le cap dessus et tu garde le cap,ok?Je vais boire un petit coup...

    Je ne sais pas où il l'avait trouvé, mais il avait une bouteille de whisky "Grant" à la main, il dévissa le bouchon et s'envoya une rasade de près du quart de la bouteille, avant de redescendre dans la cabine. Moi, en bon matelot obéissant je gardai la proue fixée sur la lumière qu'il m'avait désigné. Et je me remis à ressasser mes pensées. L'envie de ressentir à nouveau l'odeur de la Pierre me revint et j'essayais de me remémorer la liste des carrières du midi de la France.

   Enfin l'aube parut, magnifique, d'abord cette lumière cristalline qui précède le lever du soleil,  et l'odeur iodée de la mer, le doux friselis de l'eau s'écoulant le long de la coque, et le flap flap de la voile fasseyant légèrement...la paix! Comment les hommes pouvaient s'entretuer sur la moitié de la planète alors que la nature est si belle et paisible...mais soudain je réalisai qu'il n'y avait pas la moindre côte en vue, et la lumière que je suivais était toujours là mais elle appartenait à un énorme bateau, une vrai falaise de métal, un pétrolier! On avait suivi un pétrolier toute la nuit! on en était à quelques centaines de mètres, et c'était très impressionnant. j'appelai rudement Jean Claude qui eût du mal a émerger de son semi coma éthylique. J'amenais la voile et le foc et rentrais dans la cabine saisissant Jean Claude àbras le corps je le hissai dehors et je jetai sur le pont comme un gros sac, puis examinai les lieux, je trouvais des bouteilles d'eau et après avoir bu une bonne rasade, je trouvais de quoi faire du café très fort. Je le fis boire très chaud et trés concentré à l'ivrogne qui se mit à grogner et à renverser du café partout, mais là j'étais excédé et je le maintint assis, lui donnant plusieurs claques aller et retour dans la figure puis je mis de l'eau dans une cuvette et je la lui jetais à la figure, le menaçant de le jeter par dessus bord.

    Le pétrolier s'était éloigné, et nous étions là en pleine méditerranée, heureusement l'eau était calme et le temps superbe. Le soleil commençait à chauffer et j'enlevai mon pull, restant torse nu. Finalement entre les claques de plus en plus fortes et l'eau sur la figure, puis le café fort et tiède il finit par s'ébrouer et se réveiller complètement.

    - mais...on est où? dit il d'un air égaré...

Finalement il me faisait pitié avec son air brut de démoulage et ses cheveux en bataille.

Je lui expliquais à nouveau la situation et il se leva en titubant, plongea dans la cabine , mais je le suivit. il tremblait comme une feuille au vent, mais il vit la bouteille vide et siffla la dernière goutte avant que je puisse faire quoi que ce soit!

    - il faut que je boive une goutte dit-il sinon je ne peux rien faire!

Je fouillais dans le placard à provision et dégottai une petite bouteille d'alcool de menthe et il me l'arracha des main et la vida en grimaçant, puis soudain redevenu maître de ses mouvements il attrapa une boîte plate et longue et remonta sur le pont. C'était un sextant et il fit le point, en grognant des paroles inintelligibles, puis redescendit regarder la carte marine, et avec une règle et un compas chercha le point où nous nous trouvions.

   - Nous sommes au large de la Corse, grogna t il

   Il reprit la barre et me donna des ordres bref pour remettre le voilier en route et en quelques minutes les choses s'étaient arrangées. mais je lui interdit de bouger de la barre. je commençai à nettoyer la cabine et trouvais encore une bouteille d'alcool que je jetai par dessus bord à son grand dam.

    - Je n'ai pas envie de galérer encore sur ce rafiot, dis-je très énervé contre cet ivrogne! et li se mura dans un silence hargneux.

Finalement deux heures après la côte était en vue et nous naviguions toutes voiles dehors gonflées par un fort vent du sud. Et deux heuresplus tard nous débarquions au Cap d'Agde où un représentant de Riva nous attendait avec impatience. Je lui expliquais tout et il comprit parfaitement, mais se moqua de nous et alla raconter la bonne blague aux employés de la capitainerie. Je laissais Jean Claude assis sur une borne devant le voilier et cherchais un moyen de transport pour retourner chez moi. Justement un officier du port rentrait à Agde et accepta de m'emmener.

De retour chez mes parents je racontai mes aventures, et mon père me suggéra de contacter les Carrières de Laurens, ce que je fis, récupérant ma mobylette à mon ancienne adresse.

Aline l'avait garée dans la rue contre le mur à côté de la porte, avec un gros câble et un cadenas, mais je demandai au serrurier à côté de me prêter un coupe boulon et je sectionnait le câble, puis enfourchait l'engin et retournait chez mes parents.

Avant d'aller à Laurens j'allais voir ma soeur aînée qui habitait dans le voisinage. Mais Aline était passé là et m'avait chargé de tous les maux et il  a fallu que j'argumente fort pour ma défense. Josette me connaissait bien ,elle m'avait servi de mère pendant un temps et je me rendis compte qu'elle croyait plus ma version que celle d'Aline. Je lui racontai tout, puis repartit vers Laurens après avoir remis du carburant à la FontNeuve.

A Laurens, je traversais le village et montait à la carrière de marbre. Le Noir St Laurent est un marbre teinté par le pétrole qu'il contient et craint le soleil, mais c'est un très beau marbre avec des veines blanches et dorées et il est très utilisé dans la décoration intérieure, mais il ne faut pas l'exposer au soleil, car alors le pétrole coule et le marbre devient marron et terne.

Je rencontrais le directeur des Carrières Générales de France, qui m'envoya à son contremaître, Frank, un italien volubile, grand et maigre au visage tanné par le soleil, passionné par son métier de marbrier. Il parlait beaucoup avec un accent assez prononcé mais compréhensible. Tout de suite nous avons sympathisé et une demi heure après c'était comme si on se connaissait depuis longtemps. C'est çà la mentalité des Tailleurs de Pierre, que je retrouvais avec plaisir. Il me confia que les commandes étaient importantes en carrelage blanc et noir. Le blanc était du Blanc du Portugal, le Noir, du Noir St Laurent, notre marbre qui contenait de l'or en paillettes...c'est vrai que la région était aurifère. Je connaissais un chercheur d'or qui opérait au dessus du Bousquet d'Orb, dans la rivière qui passait à Béziers.

Je travaillais donc en "trois huit" avec deux autres marbriers, mais pour l'avenir j'aurais également des linteaux de cheminée en Blanc du Portugal à Tailler sur le style Louis XV, avec une coquille st Jacques au centre. Tous les jours je venais en mobylette à la Carrière, et le matin j'étais obligé de mettre des cornets de journaux sur les guidons car j'avais les mains qui gelaient sous la morsure du vent. Mais le jeu en valait la chandelle, malgré un salaire plutôt moyen, je retrouvais l'ambiance de camaraderie des Pierreux...

A midi je mangeais ma gamelle préparée; la veille par ma mère. Je logeais chez eux pour l'instant, mais je cherchais déjà un logement car la promiscuité avec mon père pouvait être pénible. Le Dimanche nous nous retrouvions tous en famille chez Josette pour le repas dominical. A cette occasion nous faisions un jeu de PMU à 3francs, histoire de tenter la chance...

Et la chance me favorisa! Je choisis les numéros 2-17-15 et le tiercé arriva dans l'ordre!

Aussitôt mon beau-frère, Pierrot alla acheter une bouteille de champagne et nous bûmes le précieux vin en mangeant un millefeuille acheté à la boulangerie de la FontNeuve. Le gain était de 17 000 francs et je décidai de partager entre mes soeurs et moi, et mes parents ce qui faisait quatre parts de quatre mille quatre cent francs. Du coup je cessai de travailler à la carrière, n'étant plus obligé de me geler les mains le matin...naïvement je croyais que j'avais assez d'argent pour vivre, mais la somme gagnée et partagée fondit assez rapidement, car j'en profitai pour faire des cadeaux à tous ceux que j 'aimais et il y en avait pas mal, car je suis d'un caractère assez facile. Je m'étais rhabillé de neuf, mais malgré tous les jeux que je faisais je ne gagnais plus au tiercé. Je recherchais un autre travail avec moins de contraintes que le travail à  Laurens, et je répondis à l'annonce qui cherchait des chauffeurs livreurs pour le dépôt de presse de Béziers. ce travail là me plaisait aussi, car on pouvait prendre toutes les revues qu'on voulait pour lire chez soi, du moment qu'on les ramenaient le lendemain matin. une aubaine pour moi, si curieux de tout. Je fus affecté à un certain nombre de revue à classer et à lier en paquets d'invendus pour les retourner à l'éditeur:les NMPP ou MLP pour les BD petit format. En dehors de çà il y avait les tournées à faire pour livrer les journaux et revues aux sous dépôts en ville. Un travail agréable et bien payé...que j'ai fait pendant deux ans...jusqu'à ce que je me dispute avec le chef de dépôt un caractériel qui ne supportait pas la contradiction même quand c'était justifié...

    Je me retrouvais encore une fois sans travail , mais j'avais bien envie de renouer avec la Pierre! J'avais eu des contact jadis avec une boîte d'interim internationale de Chicago, ATIA International, et je pris contact avec eux. Justement ils cherchaient un Tailleur de Pierre confirmé pour le Portugal, et j'acceptai la mission. Il s'agissait de restaurer un escalier en marbre, malmené par des soldats dans un Palais du Centre de Lisbonne, non accessible par la route, étant situé dans un quartier aux ruelles en escalier et trop étroites pour un camion. Le Palais des Ducs de Carvalho, ne payait pas de mine côté rue, juste une grande porte de bois toute simple, en plein cintre sans sculptures ni fioritures. ATIA avait l'habitude de tout régler par hélicoptère.

    Le jour dit j'attendais, sur un parking, proche du NOVOTEL et l'hélicoptère longue distance est arrivé à l'heure exacte pour me prendre. Il avait décollé du Bourget quelques heures plus tôt et il allait me conduire directement dans le centre ville de Lisboa. Je n'avais pas besoin de prendre des outils, Atia se chargeait de tout. Six heures plus tard on sur'volait le Portugal et dès quel'autorisation de survol fut accordée, l'appareil fonça à quatre cent kilomètres à l'heure, vers Lisbonne. Point fixe au-dessus de la cour du Palais où se trouvaient déjà les containers.

   Le pilote me dit qu'il revenait l'aprés midi avec la Pierre et je fus treuillé directementdans la cour où m'attendait Sergio Ramirez le correspondant local d'ATIA International. Il m'ouvritles containers pour faire l'inventaire des choses qu'ATIA mettait à ma disposition pour faire ce trravail. Le premier container, avec sa table à dessin d'architecte et son telex à côté et le téléphone cellulaire satellite, et une armoire métallique pour mettre mes affaires, le lit en 90 militaire, et une table normale en bois avec un tabouret . Un double réchaud et une caisse contenant du café moulu du sucre roux, des mugs en faïence avec le sigle ATIA, et cinq rations repas tout prêt de campagne.

   Le deuxième container était l'atelier complet avec quatre établis le long des parois et tous les outils de Pierre et de menuiserie possible, sans oublier la forge, car un  Tailleur de Pierre doit pouvoir se forger des outils qui n'existent pas dans le commerce. Il y avait des outils électriques et les containers étaient reliés au réseau électrique de la ville. Devant les containers un espace avait  été dégagé et couvert d'un liner épais et résistant sur lequel je préparais un béton de 250 avec des anneaux de fer à béton pour pouvoir récupérer la dalle par la suite avec l'hélicoptère.

    Ramirez n'avait pas encore quitté les lieux que j'étalais au rateau le béton sur le Liner et y noyait les anneaux les laissant dépasser juste de quoi y passer des élingues. Cette aire de 5mètres sur six, serait mon atelier de Taille. Je sortis les parpaing de béton qui attendaient dans le container atelier et les empilais sur le béton frais pour qu'ils se soudent. D'abord les deux, juste écartés de la longueur d'un parpaing et deux autres en travers puis encore quatre autres en travers. Je pris juste un peu de béton avec la truelle pour faire une petite dalle sur le carré de parpaing de manière à obtenir un tasseau de Taille...je sortais les tubes que je mettrais dans les encoches prévues sur le côté du container pour y tendre la toile auvent qui me protègerait du soleil. Puis j'allais voir les dégâts à réparer. L'escalier se trouvait dans une grande salle du rez de chaussée, et permettait d'accéder à une galerie qui faisait le tour de la pièce à sept mètres de haut et cette galerie donnait accès a de nombreuses pièces et couloirs. Moi je n'avais à m'occuper que de la base de l'escalier, les deux premières marches avaient été brisées et le pilier fendu la main courante ascendante ébrechée sur un bon mètre et les feuilles de lierre entrelacées dans le premier quadrilobe étaient écrasées. Le tout en marbre blanc de Thassos, reconnaissable à ses petits éclats brillants, un grain comme du sucre blanc.

  L'helicoptère revint comme prévu avec une palette fermée de quatre mètres de côté et posa l'ensemble juste à côté de ma dalle de béton de 30 mètres carrés. Je détacchai les élingues et fit un signe d'adieu au pilote, puis installais le" faucheux"; une petite grue de six mètres de haut livrée avec l'atelier. Dans la palette il y avait les deux marches à changer et quatre blocs différents de Thassos. Je sortais le plus gros pour tailler le pilier, une colonne trapue torsadée et moulurée  sensée représenter un tronc d'arbre symbolique donnant naissance au Lierre qui montait vers les étages.

  Dans un premier temps je devais épanneler le pilier au maximum pour obtenir une colonne lisse sur laquelle je tracerai la torsade. L'épannelage pouvait être fait au disque en partie et je commençais sans tarder. ATIA fournissait des masques anti-poussière extraordinairement efficaces avec une cartouche filtrante qu'il fallait nettoyer régulièrement avec l'air comprimé et avant de commencé j'avais mis le compresseur en route. J'attaquait au taillant grain d'orge, pour dégrossir chaque lés, obtenant un cylindre grossier, affinant en taillant au ciseau droit, jusqu'à obtenir une surface droite et relativement lisse. Ce travail est très minutieux et demande beaucoup d'attention et de précision dans les traits. Personellement j'utilise des crayons a dessin  HB, B, et 2HB...très affûtés. Je travaillais d'après une photo prise quelques années avant l'incident, fournie par le service des Monuments Historiques Lusitaniens...

Avant de continuer, je bricole un chevalet et perce la pièce de part en part pour y glisser une barre de laiton de diamètre 25 mm. dépassant de chaque bout de dix centimètres. Ainsi pour tracer la spirale je pourrais faire tourner la pièce comme si elle était sur une rôtissoire. Pour tracer je me sers  d'un trusquin spécial à deux pointes dont l'écartement est réglable.

    Théoriquement j'ai trois semaines pour mener à bien mes travaux. Si je termine plus tôt, tant mieux, j'aurais plus de temps pour me balader dans Lisbonne. C'est bien parti, il faut simplement être très minutieux.

     Au soir j'allume les projecteurs pour continuer. Je ne gêne personne, car le voisinage, ce sont des jardins inhabités la nuit. Une fois la surface dressée le reste va tout seul. Je vais chercher les fonds pour avoir une base sérieuse puis le reste s'harmonise presque tout seul. Un vrai régal des Dieux!

     A la fin, je regrette presque d'avoir terminé, tant le plaisir d'un tel travail a été intense et j'ai mis dix jours au lieu de  vingt, ce qui me laisse pas mal de loisirs avant le prochain chantier. Je profite pleinement de mon temps libre en visitant Lisbonne. Je rencontre plein de gens intéréssant notamment dans un café appelé le "Paris" car le proprio a vécu en France et en a gardé un excellent souvenir. Il me sert une assiette de frites avec ma "Sagrès"brune que je demande à température...Les filles sont superbes, mais finalement je rencontre Francesca, une italienne au tempérament de feu qui m'invite chez elle....curieusement elle est mariée à un Tailleur de Pierre qui travaille en Allemagne et ne rentre que tous les deux ans. Il y a trois mois qu'il est parti et déjà cocu de nombreuses fois, mais il doit bien s'en douter s'il connait un peu la belle Francesca. Nous allons au cinéma, puis au restaurant "italien", et je l'invite dans "mon palais"...nous nous aimons unpeu partout dans cette immense demeure, mais vers la mi-septembre, francesca lorgne vers un bel espagnol et je romps gentiment notre relation tumultueuse. Le lendemain, Sergio se pointe alors que je prends mon petit déjeuner à l'anglaise devant mon container... Le sac de déchets est prêt à être enlevé avec l'hélicoptère ainsi que la dalle de béton, le liner, et les containers. Ramirez me félicite et m'annonce quel 'hélicoptère va venir vers  treize heures, je repartirai avec le container bureau-vestiaire, au troisième voyage, vers le nouveau chantier qui se trouve au Monastère des Jeronymos dans le quartier de Belem. Mais je lui dis que je sais où c'est et que j'irai à pied.

   Vers cinq heures le dernier voyage d'hélicoptère emmène le container vestiaire, et je quitte le Palais en compagnie de Sergio, qui m'accompagne pour me faire entrer et me présenter aux gardiens. Le Monastère des Jéromes est un des bâtiments du monde que j'ai vu dans ma vie, le plus sculpté. La moindre parcelle de pierre est moulurée ou sculptée ou les deux en même temps. La colonne que je dois refaire est dans une baie. Les touristes sont des animaux ravageurs de monuments, et cette colonne a tant été dégradée par les touristes et les intempéries, qu'elle s'est écroulée un beau jour entraînant la dentelle de lacis qui la surmonte, par chance j'ai repéré la photo de la dite colonne après restauration.(voir les photos ci-dessous)

 

 

 

 

 

 

 

 
 
c'est la colonne la plus mince avec le lacis de gauche patinés...



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une sculpture en passant...



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admirables croisées d'ogives...



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Le Monastère des Hieronymites...



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Première baie à gauche du Passage...



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Suite du texte...

 
 

       Le travail suivant au Portugal sera fait indépendemmentd'ATIA...en revenant par mes propres moyens, c'est à dire à pieds pour mieux comprendre le pays et les gens, je me suis arrêté à Borba, où une carrière au bord de la route a attiré ma curiosité. Des hommes, mais aussi des femmes et des enfants d'une dizaine d'années taillaient des éviers dans des blocs de marbre blanc....Pesque tous les hommes parlaient le français et beaucoup étaient plutôt amènes et sympathiques, mais personne n'a ralenti le rythme de travail tout en me parlant. Quand j'ai dit que j'étais tailleur de pierre, le patron a sorti une gourde de vin et m'en offert une rasade. le vin était bon, quoique fort en degrés, puis j'ai demandé à faire un  évier moi aussi et Grégorio, la patron m'a donné une massette ronde et une pointerolle et j'ai taillé mon évier.

    Je suis resté huit jours... au début je faisait un évier par jour alors qu'une femme en faisait quatre et un enfant de dix ans trois, le deuxième jour j'en ai fait deux et le troisième et les autres jours j'en ai fait quatre.  En tout vingt sept éviers de marbre blanc à 20 escudos l'évier! Juste un quart d'heure de pause à midi pour boire une rasade de vin et le boulot repart jusqu'à six heures du soir...trop dur comme journée, et peu payé...mais c'était leur vie. je doute que cela ai pu continuer, avec le nouveau régime socialiste... en tous cas je le souhaite...

   A peine rentré en France, et installé dans un tout nouveau studio, dans le quartier de la Dévèze, à Béziers, je reçois un coup de fil d'ATIA avec une propositionde travail pour une mosquée à Marakech

au Maroc. Quand je pense à mon salaire et à celui des gens de Borba!...

   Après quelques jours passés à régler quelques problèmes  et démarches administratives, je prends l'avion pour Agadir où le représentant D'ATIA m'attends à l'hôtel Ali Baba, où il m'a réservé une suite au onzième étage! j'ai le plaisir de retrouver Sergio Ramirez qui me brieffe sur mon nouvel emploi. Le travail consiste à réparer et à refaire un pilier et un départ d'escalier d'unechaire du XIIème siècle dans une Mosquée. Encore du Thassos! Mais là pas de feuillage de marbre, mais des arabesques ( c'est naturel en pays arabe!) géométriques. Un couloir et une zone de travail ont été désacralisé par l'imam, devant mon refus catégorique de me déchausser pour travailler.  Le couloir de plaques de tôle ondulée et de la zone m'isole totalement du reste de la mosquée, mais je dois cesser le travail dès qu'un office commence, c'est à dire environ cinq fois par jour. L'imam est un homme évolué et intelligent et il m'invite dans sa villa dès mon arrivée. Thé à la menthe et pâtisseries, l'accueil est remarquable. Il me propose de loger chez lui pendant tout mon séjour et j'accepte, naturellement. Je préviens Sergio par radio, pour qu'il annule ma suite à l'hôtel Ali Baba. Normalement j'aurai dû faire la navette avec les géologues, en hélicoptère, qui travaillent pour une boîte américaine, et logent eux aussi à l'Ali Baba...mais je préfère l'hospitalité de l'imam. Cette fois le marbre m'attends sur place. J'ai la surprise de trouver d'autress français qui travaillent sur le toit autour du dôme de la mosquée. Eux ils se déchaussent pour traverser la salle jusquà l'escalier et remettent leur chaussures de sécurité en arrivant sur le toit. Ce sont des élèves de l'école St Lambert sous la houlette d'un des professeurs...

Mais aucun n'a jamais touché le marbre blanc, d'où  la raison de ma présence. Là aussi j'ai trois semaines de délai et je prends le temps de bien étudier les lieux et le travail à executer. Le pilier est octogonal tout simple avec un chapiteau en pointe de diamant, et la balustrade est le nom d'Allah stylisé en lignes géométriques. Je suis obligé d'en refaire un bon mètre linéaire...

     J'ai averti l'imam que je ferai la  journée continue, avec les arrêts dûs aux offices, suffisants pour  se reposer de force! La salle est entièrement tapissée de céramique verte jusqu'à deux mètres vingt de hauteur et le nom d'allah stylisé couvre les murs des milliers de fois. Le soleil chauffe dur mais dans la mosquée il fait frais et le travail est agréable...à la première pause je vais au café dans le souk boire une théière avec quelques makrouts, ma pâtisserie arabe préférée, surtout quand elle est fraîche! j'ai une djellabah blanche que j'ai acheté au marché sur la place Djmel El Fna, pour 5 dirhams, ainsi qu'une paire de babouche haut de gamme à 8 dirhams...la vie est facile ici pour nos salaires... mais d'après un Tailleur de Pierre du souk le salaire Marocain pour un mois de travail sur un chantier de Pierre est de six cent dirhams! Je risque pas de bosser pour unemployeur Marocain! Il ne peut rivaliser  avec les six mille dollars que je touche pour trois semaines de travail. Le Portugal m'a rapporté huit mille dollars américains! Et je n'ai pas eu le temps de les dépenser...

    L'imam s'appelle Saïd, et quand il va en Italie , une fois par mois, il porte un costume  d'un tailleur Anglais de la Cité...et il change de nom...il devient Bruno Ceccaldi et  négociant en bijoux. C'est comme çà qu'il prépare sa retraite ainsi qu'une villa sur les rives du lac Iséo...pour mon premier jour il a faut préparer un couscous royal, avec des merguez, du mouton, et du poulet de Loué... et invité le maire, et deux des plus riches commerçants de la ville. Nous parlons surtout de Pierre et de Marbre et sur ce sujet je suis intarissable, mais le couscous est fameux! Et je lui fais largement honneur. Les femmes sont derrière la moucharabié et discutent ferme, et je pense qu'elles parlent de moi car je surprend des regards étincelants dans les interstices de la paroi de bois sculptée.

   L'imam a trois femmes officiellement, mais peut-être plus en douce car je comprends à sa conversation que c'est un chaud lapin, mais çà ne me regarde pas, après tout. Je ne suis pas venu au Maroc pour fréquenter des femmes, si une occasion se présente je sauterai  dessus, mais sinon je peux m'en passer... le travail avance vite et s'il n'y avait pas les coupures en une semaine le travail aurait été terminé... çà me rappelle quand je travaillait dans l'Eglise St Ignace à Paris, rue de Sèvres, où je remplaçait un linteau de quatre cent cinquante kilos au dessus de la porte de la tribune. je devais cesser le travail à chaque office, sauf quand j'ai patiné mon travail, parceque cela ne faisait pas de bruit. Les jésuites m'avaient donnés des vieux missels pour me récompenser de ma patience. Le travail est terminé en dix jours encore une fois, mais je ne dis rien,sinon à Saïd pour qu'il puisse faire disparaître les panneaux de protection et rendre la chaire au sacré. Le maire et les riches commerçants ayant financés les travaux sont contents et fier de voir la merveille du XIIème siècle restaurée.

      De retour à Béziers, j'entre en contact avec ATIA qui m'a viré la paie au Crédit Agricole. J'achète une Taunus 17 M d'occasion au garage Ford. C'est une belle voiture blanc ivoire avec de banquettes de skaï rouges. Mon père qui refusait la 2CV accepte de monter avec moi pour aller chez Josette pour le repas dominical. Mon beau-frère me réclame toujours les cent francs qu'il m'a prêté pour acheter le terrain de Laurens, mais je lui ai dit que j'avais donné quatre mille francs à Josette. Pour lui çà n'éponge pas la dette que j'ai contracté avec lui...mais je n'en tiens pas compte. Je pourrais lui donner cent francs, mais il m'embête trop avec çà.  Je ne le comprend pas.

     Cette fois quand ATIA m'appelle c'est pour un chantier de longue durée. Il s'agit de restaurer une chapelle de St Côme & Damien dont le toit de lauzes s'est effondré, il y a pour deux ans de travaux et après une discussion serrée j'accpte le travail pour cinq mille dollars par mois, mais les frais de nourriture et son acheminemant seront à ma charge. je comprends tout quand je vois où elle est située, en plein milieu d'une zone quasi déserte, accessible par un sentier de chèvre après deux heures de marche. Un bout de pré en pente devant la chapelle a déjà les deux containers, bien assis et calés par des pros quand l'hélico se pose devant. Je décharge les deux cent packs d'eau minérale et les vingt caisses de bière que j'ai emmené plus des boîtes de haricots à la tomate des sacs de patates et des boîtes de raviolis, de pâté et des sardines. Plus trois caisses de bon vin en bois, offertes par le patron. Je stocke tout çà dans le vestiaire autour du lit. J'installe le" faucheux" devant la chapelle et je commence le tri des gravats tombés à l'intérieur. La voûte de pierre avat été montée sans mortier et a tenu plus mille deux cant ans! Chapeau les constructeurs! Moi je dispose de six cent kilos de chaux blanche, et d'un gros sac de mille cinq cent kilos de sable de rivière. Et  d'un atelier complet! Le pilote m'a donné un transistor mais je le laisse dans le vestiaire, le silence des lieux est précieux.

     C'est seulement le lendemain que je commence à percevoir les petits bruits de la nature, le crissement des criquets auquel je n'avais pas prêté attention, les sifflements d'un oiseau dans les airs et le cri si particulier de la buse dont un couple vit non  loin dans un creux rocher.

      Il me faudra presque une semaine pour dégager entièrement la nef. Elle mesure 21 mètres de la porte d'entrée à l'abside et douze mètres de large. En tombant les éléments de la voûte ont éraflé les parois qui révèlent des peintures anciennes, voire antiques, mais si je le signale tout de suite, je peux dire adieu à ce chantier. Délicatement avec un ciseau plat et sans masste je décape un bon mètre carré de plâtre qui révèle une peinture très ancienne, plutôt bien conservée. J'avais l'intention de faire unappareillage de piliers et de croisées d'ogives, mais au vu des peintures anciennes, je préfère imaginer des contreforts extérieurs, avec les colonnes noyées à l'intérieur des contreforts. Autrement dit des piliers de béton habillés de contreforts en pierre avec les pierres de la voûte.

     Je contacte l'architecte des monuments historiques Lucien Tardi que j'ai connu au Palais des Papes, et qui est en charge de ce chantier, et il me dit au bout d'un moment et de quelques calculs que pour les piliers c'est OK. Pour les croisées d'ogives il me fait livrer la pierre et pour les voûtes il veut des briques pleines posées de chant. Le surlendemain est un jour de livraisons d'abord l'hélico apporte une citerne de deux mille litres pleine d'eau, montée sur un chassis. Puis une palette d'acier supportant six palettes de briques serrées dans une bâche, puis un autre voyage m'apporte une palette identique pleine de morceaux de pierre sciée, encore humide, c'est de l'Estaillade! Une de mes pierre blanche préférée. Puis encore une palette avec cinq cent kilo de chaux supémentaire et des ferrailles à chaînage et des fers à béton torsadés de huit et de dix, et enfin une bétonnière à essence avec cent litres d'essence en bidons de vingt litres. Le pilote prend des photos du site depuis son appareil, certainement pour Sergio, le correspondant d'ATIA pour l'Europe.

     Enfin le silence revient dès le départ de l'hélico. Je ne me suis pas encore servi du compresseur et de la génératrice parce que je ne tiens pas à gâcher ce silence et l'air si pur de ce coin de France. Le soir je me couche avec le soleil et je me lève avant lui le matin. Je découvre les corbeaux de l'abside à l'extérieur, en étant monté à l'intérieur sur l'échaffaudage mobile pour nettoyer le faîte du mur des lauzes encore fixées, les corbeaux sont tous sculptés de figures étranges tournées vers l'est. En grattant je m'aperçois qu'ils étaient fixés au plâtre, mais celui ci sest dégradé et il n'en reste que de la terre et le charbon de bois, mis pour l'empêcher de moisir. Je commence par nettoyer tous les joints des corbeux et je les refais tous au mortier de chaux avant de les couler en barbotine de chaux, pour araser la dernière assise, sur laquelle viendront reposer les pierres taillées pour supporter les briques. Le campanile est réduit à sa plus simple expression, un simple pont de maçonnerie pour le logement de la cloche qui a disparu. Des traces de violence indiquent que ceux qui l'ont volée ne sont pas très délicats. Je prends des photos de ces traces comme des corbeaux et du travail que j'execute.

    Je profite du jour pour dessiner les piliers et les contreforts puis l'appareilage de la croisée d'ogive, et des voûtes. Vu la largeur de la nef j'aurais bien fait une anse de panier, mais l'époque exige le plein cintre. Le lendemain retour de l'hélico avec une énorme palette de bastaings et de madriers. Je commence par me faire un tasseau en bastaings pour la taille, et développe l'auvent en toile. Pour l'épure je me servirai du sol de la chapelle fait de briques antiques posées de chant... mais l'hélico revient vec une palette de plaques de contreplaqué de marine en 15 mm d'épaisseur, alors je préfère me préparer une plateforme de quinze mètres de côté et de niveau.Je trace mon épure en fonction des  côtes prises sur place, puis je découpe les pièces de mon cintre, en bastaings. Je prépare six cintres en m'efforçant les faire identiques, avec une encoche tous les quarante centimètres sur le périmètre du cintre pour pouvoir y encastrer les madriers. La confection des cintres m'occupe pendant une semaine entière, car ce travail demande une précision absolue. Uncintre de 12 mètres par jour.

    Ils n'ont pas lésiné sur les étais, ils sont tous neuf et huilés! Génial, un plaisir de travailler! Je dois préciser pour les non initiés qu'un madrier mesure 10cmsur 30cm de section  et en général de 8 mètres de long. Le bastaing lui mesure 5 à 6 cm d'épaisseur sur vingt centimètres de large et de huit mètres aussi. Les étais sont des vérins métallique à vis réglables, et avec des trous sur côté permettant d'augmenter et diminuer la hauteur par tranches de vingt centimètres et la vis permet un ajustage précis. Le coffrage du cintre est réalisé autour d'un noyau plein de trois mètres de diamètre, qui sert de base.

Actualisation...
 
 
Cintre pour un dôme...

     Je vais montrer un cintre, mais ce sont des images prises à un site de bénévoles qui restaurent un château à Guedelon en Bretagne. Mes cintres étaient un peu différents, parceque le poids à supporter était différent. Une voûte de briques ne peut se comparer à une voûte en pierres du point de vue du poids.

                       
   
         
 
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